Guide immobilier. Place au financement islamique

Les banques islamiques –dites « banques participatives »- ont enfin débarqué au Maroc. Quelle que soit la dénomination ou terminologie pour laquelle on opte, ces banques participatives, aux principes conformes à la Sharia ne datent pas d’aujourd’hui. Zoom sur les fondements des banques islamiques et leur histoire au Maroc.

La banque participative, contrairement à la banque conventionnelle, communément connue de tous, diverge en un point crucial : l’intérêt. En effet, ce dernier, appelé « Ribâ », est formellement interdit par l’Islam. Or, le système conventionnel traditionnel repose sur la pratique de l’intérêt. La banque islamique se veut donc une banque sans intérêts, en accord avec les principes dogmatiques de l’Islam.

 Prémices du financement islamique

Apparue au début des années 70, la banque islamique a suscité l’engouement de plusieurs pays musulmans, notamment les pays du Golfe. La banque participative pionnière date en effet de 1975, et fut ouverte à Dubaï, suite au sommet de Lahore de 1974, où l’Organisation de la Conférence Islamique décida de créer la Banque Islamique de Développement (BID). Les banques islamiques n’ont cessé depuis de croître à une vitesse fulgurante dans le monde entier, y compris certains pays occidentaux, à l’instar des Etats Unis, Canada et le Royaume Uni, où l’on trouve des minorités musulmanes.

Toutefois, le Maroc, bien qu’étant un pays musulman de par sa constitution, a tardé à adopter cette forme alternative de prêts. Pourtant, en 1985, plusieurs groupes réputés ont témoigné d’un intérêt accru pour le marché marocain. Dans cette optique, l’Association Marocaine d’Etudes et de Recherches en EconomieIslamique ASMECI avait approché le groupe Wafabank en vue de créer une filiale de financement islamique. Une proposition qui s’est soldée par un échec suite au refus de l’autorité de régulation, Bank Al-Maghrib.

Ce n’est qu’en 2007, que Bank Al-Maghrib a autorisé, à travers son circulaire n° 33/G/2007 la commercialisation des Mourabaha, Moucharaka et Ijara, produits phares du financement islamique. Hélas, ces produits dits « alternatifs », s’intégrant difficilement dans la société au royaume, ont connu un outrecuidant échec, dû notamment au manque d’implication des banques marocaines.

Il a donc fallu attendre qu’une nouvelle réforme de la loi bancaire voie le jour pour que les banques participatives jouissent d’un statut officiel au sein du royaume. Publiée au Bulletin Officiel le 5 mars 2015, la loi n° 103-12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés,trace le canevas juridique de la mise en place des banques participatives. Cette loiprévoit les dispositions relatives à l’aspect institutionnel des banques islamiques et celles régissant leurs activités.

In fine, après des années de réticences de tout genre, le 25 juin 2017, le parlement a adopté le projet de loi bancaire n° 113-12. Ainsi, le royaume dispose aujourd’hui du cadre légal et juridique octroyant aux banques islamiques le droit d’exercice de leurs activités dans le pays.

 Des principes sine qua non pour le financement islamique

Se défendant de toute usure, la banque participative a recours à divers processus qui englobent la vente(Mourabaha), le crédit-bail (Ijara), ainsi que d’autres opérations ancrées dans le principe du partenariat pour rendre licite le gain d’argent, à savoir, Moudaraba et Moucharaka.

Au-delà de l’interdiction de l’intérêt, condition sine qua non de ces opérations bancaires, le concept du financement islamique comprend d’autres principes tout aussi primordiaux. Commençons par l’interdiction de toute transaction qui comprend un quelconque risque ou dont la contre-valeur n’est pas définie avec exactitude. En Islam, ceci est appelé « Algharar », défendu par le prophète pour ce qu’il peut comporter d’incertitudes et d’aléas. Ainsi, toute vente doit être explicite, garantissant aux partis impliqués, transparence et parfaite connaissance des termes et enjeux de ladite transaction. S’ensuit l’interdiction de l’argent facile, acquis via les jeux du hasard « Al maysir » et « Al Qimar » explicitement défendus dans le Coran. Ceci implique d’autre part, la tangibilité de l’actif. Cette dernière signifie que toute transaction bancaire réalisée au sein d’une des banques participatives s’appuie inéluctablement sur un actif matériel réel, que ce soit l’immobilier, les matières premières, l’énergie, etc.

La banque participative comprend une autre particularité de laquelle elle tient cette dénomination de « participative », le partage de pertes et de profits est au cœur de ses opérations bancaires. Pour ainsi dire, en signant le contrat liant les deux partis, une proportion est fixée afin de réguler la participation de chacun d’eux. En cas de perte ou de profit, chaque parti est engagé à hauteur du pourcentage qui lui est octroyé.

Par ailleurs, les banques islamiques mettent à la disposition de leurs clients les mêmes services proposés par les banques conventionnelles, tels que les comptes de dépôt, comptes d’épargnes et comptes d’investissements, à quelques différences près : l’intérêt étant formellement interdit, les détenteurs des comptes courants, dits de dépôt, ne perçoivent ni bénéfices ni revenus.

 Quatre produits bancaires « halal »

Ces produits bancaires licites, proposés par les banques participatives, sont du nombre de quatre et peuvent être divisés en deux catégories distinctes : la première comprend la « Mourabaha » et la « Ijara », des modes de financement n’incluant pas le partage des profits et des pertes. Tandis que la deuxième catégorie englobe la « Moucharaka », et la « Moudaraba » qui sont des modes de financement comprenant un partage des profits et des pertes.

La « Mourabaha » facilite au client l’acquisition du bien convoité sans pour autant passer par le prêt à intérêt. La banque participative se charge de l’achat du bien, agissant tel un intermédiaire entre l’acheteur et le vendeur pour ensuite revendre ledit bien au client en spécifiant une marge bénéficiaire qu’elle ne peut aucunement négocier une fois le contrat établi. Cette marge forfaitaire couvre le risque assumé par la banque en jouant le rôle d’intermédiaire.

Quant à la « Ijara »,moyen de financement à long terme, elle diffère de l’offre précédente dans la forme dans laquelle le bien est mis à la disposition du client. En effet, ce dernier loue le bien pour une durée déterminée, suite à laquelle il peut le restituer, ou, dans le cas d’une « Ijaramountahiabitamlik » s’approprier le bien en l’achetant. A noter que la part dela banque participative dans le bien louédiminue avec les paiements du capital que le client effectue en sus dupaiement des loyers.

La « Moucharaka »comme son nom l’indique – « moucharaka » signifiant participation en arabe- inclut la banque dans le projet de son client. Equivalent d’un capital investissement, la banque est donc sujette aux pertes et bénéfices, au même titre que son client. Selon le contrat signé par les deux parts, on peut différencier entre la « Moucharakatabita » qui représente un engagement ne prenant fin qu’une fois l’échéance du contrat atteinte, et la « Moucharakamoutanaqissa » qui permet à la banque de se retirer au fur et à mesure que l’on arrive au terme du contrat.

La dernière offre, dite« Moudaraba », implique directement la banque dans le projet de l’investisseur. En effet, cette dernière pourvoit son client du capital nécessaire à la réalisation de son projet en lui laissant la liberté de gérer les fonds investis. Toutefois, elle peut superviser la gestion du portefeuille.  Si le projet est mené à bien et réalise des bénéfices, ils sont répartis entre la banque participative et le client. Dans le cas contraire, la banque s’acquitte des pertes, à moins que l’entrepreneur ait commis un acte frauduleux ou une grave bévue enfreignant directement les clauses contractuelles du contrat.

Il est à savoir que le Maroc dispose actuellement de trois banques participatives opérationnelles, à savoir la filiale de CIH Bank, Unmnia Bank, la filiale d’Attijariwafa Bank, Bank Assafa, la filiale du groupe BCP et du Saoudien Guidance, Al Yousr etla Qatar International Islamic Bank. Deux autres filiales de BMCE Bank of Africa et du Crédit Agricole sont aussi prévues… Une affaire à suivre, donc !

 

Amal Abbad